samedi 26 avril 2014

La valse lente des escargots

J'ouvre des portes, j'en referme. Je prends un chemin. Je m'arrête, je tourne. Détourne. Fais demi-tour. Impasse. Je regarde derrière, par hasard, vraiment par hasard, au détour d'une photo, aux contours d'une vidéo puis de deux, de trois, je colorie mon cœur en mandala des sentiments et voilà. Le flot de larmes. Je n'étais pas du tout partie pour écrire une chronique comme ça, ce week-end. Et c'est comme un effet boomerang d'une bouteille à l'amer cassée, brisée, en mille morceaux. J'ai regardé un petit bout de film, non plusieurs, pour être très honnête, et j'ai entendu mes enfants baragouiner, chanter, c'étaient des petits bouts de films de l'été 2011. Avant je ne voulais pas faire de films, avant je n'en ai pas fait. Je n'ai fait que des photos, des centaines de photos, mais je n'ai plus ces petits instants saisis, volés au passé, je ne peux pas leur montrer d'images d'eux avec leur papa, je ne peux pas leur dire ce qu'était sa voix, pourtant quand mes souvenirs l'entendent, c'est son rire en premier, ou encore sa façon de m'appeler. Je ne peux pas leur dire son odeur. Il y a, avec le temps des choses qui s'effacent, d'autres qui resurgissent sans prévenir, et je n'avais pas du tout l'intention d'écrire une chronique sur ce sujet. Je voudrais parfois que les choses aillent plus vite, soient plus paisibles. Je sais que je ne sais pas prendre le temps, ni donner le temps aux choses de s'installer. Je sais que je suis impatiente. Tout le temps. Le seul moment où je sais le prendre c'est quand je suis spectatrice. Mettez-moi un appareil photo dans les mains, mettez moi hors de la scène, en marche, dans les cordes, au bord du ring, sur le berge ou encore les pieds nus dans un sable qui s'est laissé dorer par le soleil, je prendrai le temps. De regarder, d'observer, de photographier. Mais un tout petit temps. Au quotidien, ma journée, mes journées, mes nuits, mes semaines sont surchargées. Penser à tout, tout gérer et assumer. Tout. Seule. Comme si j'étais tout le temps sous pression, comme s'il ne fallait pas rajouter la goutte d'eau. Ce soir, mais quelle idée, j'ai regardé hier. Ce soir j'ai regardé les portes que j'avais ouvertes, puis fermées, j'ai vu le temps passé, les remords et les regrets aussi. Ce soir, la tristesse m'a surprise, comme la colère exprimée par Grenouille qui n'en fait pas d'habitude. Je ne suis pas triste non plus d'habitude. Je n'ai pas le temps. Demain je remettrai un peu de couleurs partout, je prendrai le temps de regarder les escargots danser et ne pas avancer vite. Puis je lèverai la tête, je la relèverai et je penserai à après. A nouveau. Probablement. Et les petites rigoles qui se sont formées en entendant mes enfants si petits, il y a trois ans, rigoler avec ces images en mouvement, disparaîtront pour me laisser à nouveau rigoler. En mouvement. La valse lente des escargots, après, donc.  

Après de Laurent Moreau. Un mot clé, un seul, celui du titre, trace le fil de ce bel album. Après. Ecrit en rouge bâton, entre une histoire à écrire et une affirmation. "Après l'hiver, le printemps redonne des couleurs". "Après la pluie, il y a d'immenses lacs à traverser". Après ces petites choses du quotidien, comme prendre un bain, il y a cette petite conséquence qui n'est pas si désagréable "ma peau est toute fripée". Après la colère, après le silence, après le printemps, la floraison, une seconde, puis une autre mais jamais la même, après, c'est le temps qui passe et ce n'est pas forcément inquiétant. Après c'est le cycle de la vie qui prend le dessus, le souffle qui revient, la tête qui tourne peut-être, parfois. On peut avoir le tournis en regardant derrière, on peut l'avoir aussi en regardant devant. "Après l'horizon, très loin, je me demande bien ce qu'il y a ". Pour ce petit garçon, comme pour les autres enfants, comme pour les plus grands, il y a des questions auxquelles on peut répondre, d'autres non. Mais il y a demain, l'avenir et l'optimisme. "Après tout, on verra bien... Avant après, il y a... Maintenant". Ce texte particulièrement sensible s'intensifie grâce à la complétude qu'il trouve dans sa complémentarité avec les illustrations. A la fois graphiques et foisonnantes, elles invitent le lecteur dans un entre-deux mondes, entre le réel et l'imaginaire dans lesquels l'album, un bel objet éditorial, puise toute sa force. *** Coup de cœur***

*** Les références ***
* Après de Laurent Moreau - Edition Hélium2013 - 13,90 € à partir de 4 ans.

Et grand merci à Kik qui me l'a offert dans le cadre d'un swap 
avec l'équipe d'A l'Ombre du Grand Arbre.

4 commentaires:

  1. Des bises mon amie, et VRAIMENT il faut qu'on se trouve du temps !

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    1. Oui, je suis en train d'en retrouver, ces dernières semaines ont été abusives en microbes et rendez-vous médicaux... On se cale un samedi ?

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  2. Et bien même si je ne vous connais pas j'aime fort votre famille et j'adore lire vos chroniques ! Et ce soir, après vous avoir lu, j'ai fait un truc que je ne fais jamais : j'ai filmé mes garçons en train de jouer sur notre lit... Merci de partager vos émotions, de femme, de lectrice, de maman.

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    1. Colette, votre message me touche beaucoup. Merci à vous...

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