mardi 11 février 2014

Je porte la culotte... Dingue !

Avec les événements de la semaine dernière visant notamment Anne Percin et Thomas Gornet, auteurs du livre Le jour du slip / Je porte la culotte édité dans la collection Boomerang au Rouergue,  visant l'excellente librairie La Soupe de l'Espace, en les assaillant d'un ras de marée de mails, de messages divers dont certains contenaient des menaces de mort - Anne Percin a dû fermer son blog - il me fallait lire le livre ciblé pour vous en parler. Au départ, je m'étais dit que je le chroniquerai "normalement", j'avais même eu idée de le chroniquer avec d'autres livres de la collection Boomerang pour le laisser dans son contexte d'édition et l'affirmer comme en étant un opus ordinaire. Boomerang ? Son principe est d'associer dans un même livre deux histoires autour du même thème réalisées par deux auteurs différents qui sont publiées accolées en inversées, une sorte de recto-verso ou bien même de pile et face, qui donne la possibilité au lecteur de prendre le livre dans un sens ou dans l'autre. En contactant l'attachée presse d'une maison d'édition qui fait partie de mes préférées dans le paysage éditorial de la littérature jeunesse, Le Rouergue, et dont les ouvrages sont régulièrement chroniqués sur mon blog, elle n'a eu qu'un mot sur le sujet " nous ne revenons toujours pas de cette histoire".  Et pour cause. Je lis le livre. Et je reste coite. Quoi, tout ce foin pour ça ? Pour connaître la maison, pour avoir lu déjà quelques livres des auteurs dont certains chroniqués ici et par exemple, je n'avais pas peur d'en découvrir le contenu. Et quand il y a vraiment fumée sans feu, ça donne, un livre ordinaire qui ne sera finalement pas dans une chronique ordinaire. Parce que depuis, depuis la semaine dernière, depuis la lecture que j'ai faite de ces courts textes ce week-end, il y a eu lundi. Lundi, hier, et la montée de tout et de surtout, surtout d'un grand, d'un énorme n'importe quoi. Entre dénigrer des livres non lus, leur porter des intentions, des contenus ( voire même un pouvoir!) qu'ils n'ont pas, entre dénigrer la compétence des parents à juger par eux-mêmes des livres qu'ils mettent dans les mains de leurs enfants et faire pression sur les municipalités et bibliothèques pour qu'une liste de livres traitant de l'homosexualité, l'homoparentalité, luttant contre les discriminations, les stéréotypes sexués, prônant l'égalité des sexes et j'en passe et des meilleures soient retirés des rayons, mais où va -t-on ? MAIS où va -t-on ???
De la dérive. Cette chronique devait parler de Je porte la culotte / Le jour du slip. Je m'y mets donc. Un brin énervée par le contexte, je m'y mets. 
Slip ou caleçon ? Ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout cette phrase qui mène la danse. Mais slip ou culotte, ce qui interpelle, certes ! Mais faut être honnête : dans la narration, que l'on soit du côté slip ou du côté culotte, que l'on soit Corinne ou Corentin, qu'on lise le texte de Gornet ou celui de Percin, c'est anecdotique !
Coco ! D'un côté comme de l'autre, c'est maman qui appelle. C'est l'heure d'aller à l'école. Coco, debout ! Le temps d'émerger, que Coco soit Corinne ou Corentin, il faut un petit temps pour réaliser qu'il y a, d'un côté comme de l'autre, un petit problème. Je porte la culotte de Thomas Gornet. Quand Corentin se réveille, il est devenu Corinne. A peine le temps de réaliser, qu'il faut déjà s'habiller (en fille) faire un bisou (!) à une maman qui n'est pas la sienne et qui ne se rend compte de rien, et filer à l'école. A l'école ! Comment va-t-il s'en sortir avec les copines de Corinne ? Et dans la classe, Corentin devenu Corinne sans que personne ne s'en rende compte doit il se mettre à côté de "sa" copine qui n'en est pas une ou bien de son meilleur ami Ludo ? Il va devoir s'adapter à cette condition temporaire et il s'en sort pas mal du tout : ce point de vue va lui permettre de voir les filles différemment mais aussi de casser les règles implicites établies dans la classe entre filles et garçons, notamment en faisant rire Ludo à gorge déployée, comme si c'était drôle, une fille, comme si c'était fort en jeux vidéos, une fille !  Le jour du slip d'Anne Percin. Un pantalon brun, un sweat-shirt à capuche et des chaussettes bleu marine, un slip vert kaki... que font ces vêtements ternes sur la chaise à la place d'une robe à fleur( oh non c'est moche!) et d'une paire de collants ( "c'est nul les collants, ça descend tout le temps et ça fait une poche sous la culotte"). Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque ? Coco découvre un corps qui n'est pas le sien et maman s'impatiente : "- Corentin ! Maintenant ça suffit, tu descends!
Corentin ? Elle a bien dit Corentin ? Mais je m'appelle Corinne moi!". Sauf que 1, 2, 3 plouf, on ne sait pas comment, mais la voici devenue un garçon, habillé(e) en "non-couleurs" qui doit se rendre à l'école sans même un bisou maternel, sans un ma puce, ma chérie, ma cocotte, et vite vite vite sous peine d'être en retard. Elle en a gros sur la patate, Corinne, au moment où la cloche sonne, au moment où elle doit se ranger à côté de ce lourdaud de Ludo. Et ce n'est pas fini, ses copines l'ignorent et la voilà à la récré troquant des cartes Champion Cheaps et parlant jeux vidéos. Mais au moment de la cantine, elle n'en peux plus, les larmes coulent. Risée générale. Arrivera-t-elle à surmonter l'épisode ? 
Deux narrations joyeuses qui se croisent dans un univers et avec des personnages communs, un échange de genre pour un laps de temps court qui permettra aux personnages et aux lecteurs de décoder et de mieux connaître l'autre genre. Comme un lissage et un pas vers l'égalité. Un livre sympathique à mettre entre toutes les mains des 8-10 ans sans souci aucun et sans en faire un foin. Aucun !

De tous les printemps, je choisis celui des œillets ou celui des poètes, de tous les printemps, vraiment. Et je vous invite à rejoindre vos librairies indépendantes locales pour aller découvrir et acheter les livres que vous verrez cités par ici et par là, certains ont été chroniqués sur ce blog, et même été coups de cœur. Soutenons les auteurs, les illustrateurs et les éditeurs de livres jeunesse. Achetons des livres, éteignons la télé, faisons germer les graines de culture et d'égalité dans les têtes des bambins. Quant à moi, je vais aller relire Fahrenheit 451 de Ray Bradbury de ce pas, dans mon lit, en pyjamas, mi-habillée, mi à poil(s), quoi. 

Revue de web... 
* Interview de Sylvie Garcia, éditrice aux Editions du Rouergue, par Les histoires sans fin : Ici
*L'édito de la lettre électronique Nénuphar, La Mare aux mots : Ici
*Livres Hebdos : Ici
*La tribune de Sylvie Vasselot, directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, sur le.monde.fr " Non Monsieur Coppé les livres pour enfants ne sont pas des manuels de morale " : ici
*Communiqué de la Charte des auteurs et des illustrateurs jeunesse : Ici

1 commentaire:

  1. Merci Drawoua pour cette chronique, après l'édito de la marre aux mots reçu hier, ... il y a des gens totalement normaux dans ce pays, sensés, sains, heureux, positifs, constructifs, et humains... quelle bonne nouvelle !!!!
    Au début, j'ai suivi le feuilleton, un peu effarée par tant de bassesses et de manipulation, puis j'ai ressentie une terrible envie de vomir, en lisant les commentaires sur le site de la soupe de l'espace, ne sachant plus trop bien si je n'étais pas en plein cauchemar...me demandant si j'étais toujours en France en 2014. Après vérification, il semblerait que je n'ai ni changé d'époque (pourtant ça ressemble bien à l'obscurantisme ...), ni de pays (ha bon, on est bien dans le pays des droits de l'homme ?). Bref, je ne dirais pas mieux que toi, "Mais où va-t-on" ? J'ai un peu l'espoir que l'on soit plus nombreux à le penser que ceux qui on littéralement "pété un plomb" !
    Je m'en vais de ce pas relire cet excellent petit ouvrage pour me replonger dans le bain et le mettre également sur mon blog http://casalaurette.over-blog.com/. Peut-être que si l'on cumule les chroniques positives, on ferra basculer pour un petit moment au moins cette odeur d'égout qui règne!!!
    Allez j'en profites pour te demander une petite contribution. Je fais en ce moment une récolte de petit bonheurs, histoire d'apporter un peu de légèreté et de poésie et ça me plairai assez de te lire.
    A très bientôt. Laurette.

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