lundi 20 janvier 2014

L'amer monte...

... C'est au moment où j'étais un peu saturée de bruits, de cris, de l'expression de la colère d'un enfant en colère  justement qui tempêtait contre moi, contre lui, contre tout, contre rien, contre ce qui n'est pas juste ou ce qui est comme ça, pour dire le refus de ce qui est, ou continuer de penser qu'il n'y arrivera pas. C'est au moment du grésil, du brouillard, je veux de l'eau, le chat prend toute la couette, j'ai mal au ventre, je n'arrive pas à dormir, j'ai chaud, j'ai froid, c'est pas l'heure de se lever là ? que m'est revenu dans les mains, cet album. Tais-toi ! Ce que je lui ai dit, ce que j'avais envie de lui dire, de leur dire. Chut. Du silence. Chut. Ecoutez le rien comme ça fait du bien. C'est au moment où je ne regardais plus en arrière, rétro cassé, au moment où j'avais du mal à voir devant, rendez-vous chez l'opticien, dans quelques jours je verrai bien, que m'est revenu dans les mains Tais-toi ! Tais-toi! d'Amélie Billon-Le Guenec, illustré par Gaëlle Boulanger, édité par Chant d'Orties. C'est au moment
de la contestation, c'est au moment du ronchonchon, des pleurs, des chamailleries, au moment où je me disais c'est dur quand même d'être soloparent sans alternance, de se prendre le vent, les frasques, les marées, sans être forcément équipé(e), sans pourvoir passer son tour ou abdiquer. C'est au moment où je baissais quand même un peu les bras, où l'énergie était en bas, dans les chaussettes et les bottes de pluie, un moment qui ne m'arrive (presque) pas souvent, c'est au moment où j'avais une coupure hors boulot, quatre jours pour m'occuper de mes marmots, dont deux jours spécifiques, une nouveauté qui a changé notre quotidien, ces jours qui me permettent de dégager du temps pour les besoins spécifiques, comme on dit, d'un des deux marmots.
C'est au moment où je ne me posais plus de question à cause de la barre au front, au moment où je m'en posais trop, peut-être, stagnation de la barre au front, au moment où je n'avais plus un gramme de patience, pas eu assez de sommeil à cause de nuits courtes et hachées par des micros réveils, au moment où j'avais envie d'écouter la mer et de sentir le vent fouetter mon visage, chahuter mes cheveux, au moment, où l'amer montait, montait, montait, que j'ai relu Tais-toi !  et claque. La claque. Et le brouillard qui s'évanouit, et la chance qui a repris le devant, celle d'être parent, de les avoir près de moi, tous les deux, qu'ils soient devenus les moteurs d'aujourd’hui et de demain bien entendu, de demain aussi. Que l'on soit ensemble tous les trois et je trouve chaque jour assez d'énergie pour être le parent. Leur parent. Seul(e) sans l'être vraiment cependant.
 "Pas le droit d'intervenir, de dire un mot. 
- Couper la parole, c'est pas poli.
Moi j'ai envie de danser, de sauter, de chanter,
de crier".

Les illustrations laissent entrevoir une petite fille habillée en soldat - image de l'obéidsance absolue celle qui anihile l'expression de la pensée et qui montre qu'on est dans le rang - qui cache son visage avec ses mains, sa bouche aussi. Elles est dans une forêt, une forêt de jambes longues d'adultes qui l'ignorent. Elle ne peut pas s' exprimer, bébé dort, maman travaille, papa est au téléphone. Elle a beau s'agiter, faire du bruit, gesticuler, mimer, personne ne fait attention à elle. Quand elle décide de fermer ses yeux, sa bouche, de se taire, de ne plus rien dire, qu'elle enferme sa voix dans son ventre, elle ne pourra pas la retenir très très longtemps, cette voix qui monte monte monte en elle et qui ne demande qu'à prendre l'air... Une histoire percutante qui pointe du doigt la place de l'enfant dans le rythme quotidien qu'on lui fait subir, sans toujours donner la parole ou la place dont il a besoin, sans toujours prendre le temps de l'écouter et de dialoguer avec lui. Le miroir inversé pique. Les illustrations faites de cadres, de lignes, de motifs, de vignettes, de découpages, de collages, de peinture, sont superbes. Impossible de rester indifférent face à cet album, une secousse et, pour moi, un vrai *** coup de cœur ***



Retrouvez la chronique de La Mare aux Mots  Ici; Dans les invités du mercredi, Gabriel donnait la parole à Amélie Billon -Le Guennec et à son éditrice, Béatrice Guillemard sur la genèse du livre Ici.  

Tais-toi ! d'Amélie Billon-Le Guennec et Gaëlle Boulanger, 
Editions Chant d'Orties, juin 2013 - 12 €

Illustrations de Gaëlle Boulanger photographiées dans l'album  par Drawoua RéCréation - DR

4 commentaires:

  1. Merci pour ces très jolis mots.
    Amélie

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  2. ça m'a donné très envie de le lire, vraiment vraiment !!!
    Bises WonderMum !

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  3. Merci pour cette idée de lecture.
    Moi qui me trouve parfois si stricte et qui m'inquiète car ma petite fille obéit trop bien...
    Je vais l'acheter pour qu'on le lise toutes les 2.

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  4. Merci pour la force de tes mots :-). Amitiés.

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