
Et puis, j'ai un peu tardé à le lire. Il faut dire que Ma Pile A Lire n'est pas loin de monter jusqu'au plafond. Et puis enfin j'ai ouvert le roman, souri à la relecture de la dédicace, abordé l'incipit et découvert une plume. Une bonne plume. Une très bonne plume. Quel plaisir à la lecture, quelle découverte que celle de Jean-Noël.
Le sujet est sérieux, son livre est sombre - contrairement à l'histoire d'Hervé Mestron plus douce et pleine d'espoir - mais son écriture a cette fâcheuse tendance à vous emporter directement. Fâcheux, c'est quand on est dans le train ou dans le métro, arrivé à bon port, et qu'il faut y aller, là, madame, vous devez partir, on est en gare. Emportée directement. C'est ce qu'il s'est passé pour moi, alors j'en ai parlé autour de moi, sans vous en parler à vous. Je vous l'avoue. Et justement, en échangeant avec Gabriel de l'incontournable blog La Mare aux Mots, l'idée a germé de vous proposer un regard croisé sur le roman de Jean-Noël Sciarini, et finalement une chronique croisée sur la thématique de la transsexualité puisque Gabriel vous présente également Mon frère ma princesse de Catherine Zambon ( Ici ) quand je vous propose la lecture de...
Le choix de moi d'Hervé Mestron
" ça ne va plus depuis un moment. L'impression d'être à côté de ses pompes. Dominique a essayé d'en parler. Mais il est difficile de formuler, surtout à sa mère, ce que l'on n'arrive pas à se dire à soi-même". Ces premiers mots ne disent pas pourquoi Dominique ne se sent pas bien. C'est en continuant, en croisant la description de ses sentiments et du mal-être de l'adolescent, avec les descriptions faites de son instrument, il est musicien, que tout se dessine par la métaphore. "Dominique se souvenait qu'il avait parlé de l'alto comme d'une personne : "ange, androgyne, au timbre voilé, ambigu, pouvant arracher le cœur du public". Et c'est un instrument qu'il embrasse, dès le plus jeune âge, et dont il joue pour la plus grande fierté de sa mère. Alors quand un jour, son corps se bloque, se tend, refuse d'en jouer, on sait que le nœud arrive. Le nœud dans la gorge, le nœud de l'histoire. C'est l'expression physique du mal-être de l'adolescent qu'il ne comprendra que plus tard, en cheminant, en se remémorant les troubles et les événements de son enfance, en veillant sa mère gravement accidentée à l'hôpital, qui surgit. " Et cette envie qui lui prenait de s'arracher la peau, de brûler son nom. (...) et son incapacité à comprendre ce qui se passait en lui, à se demander s'il était bien normal de remettre en cause la question de qui il était : fille ou garçon".

Le choix de moi d'Hervé Mestron, Editions Oskar, collection court métrage, janvier 2013 - 5 € - à partir de 12 ans.
Le garçon bientôt oublié de Jean-Noël Sciarini. "J'ai parfois pleuré comme une fille, et je me suis battu comme un garçon. Le contraire tout autant. Boy's don't cry ou girls juste wanna have fun, est-ce cela le contrat pour être toléré et apprécié , dans la cour de récré , puis accepté dans la cour des grands ? Faut-il vraiment choisir son camp ?". Extrait du journal intime de Toni Canetto, 16 ans ou presque et d'un genre plutôt incertain. Et certain par contre de ne pas savoir qui il est, excepté peut-être "un type vraiment bizarre" en quête de lui-même. Plutôt en quête de l'amour, en quête d'une chanson qui lui permettait de se trouver lui. Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond ? La question est tournée, retournée dans tous les sens. Tony fait des classeurs, archive, se documente, un peu sur lui, beaucoup sur les autres, pour se trouver ou se retrouver. "Je suis perdu". Quand il laisse enfin entrer "quelque chose dans [sa] vie. La musique." il pense que le jour où il trouvera son titre, il comprendra son histoire personnelle, il capturera son identité. C'est Antony and the Johnsons. "For today I'm a boy (...). One day, I'll grow up, I'll be a beautiful woman" qui fait déclic. La chanson révélatrice. Celle qui lui fera parcourir des kilomètres pour tenter d'approcher l'interprète. Comme si cette chanson pouvait changer sa vie. Et si elle le faisait vraiment. Et Rose, cette vieille rose aussi ? S'il comprenait enfin que derrière une apparence masculine, il est en réalité une fille ? Et puis il y a Laura. "Je ne connais même pas la nature des sentiments qui me portent vers Laura. (...). J'imagine que lorsque mes lèvres seront contre les siennes, je le saurai. Ce n'est pas plus compliqué que ça". A moins que le premier baiser ne soit une gifle et ses premiers mots d'amour des insultes ? Et si les baisers et les princesses n'existaient pas ? Et s'il fallait fuir ? Fuir la maison, fuir ce corps partagé entre une fille et un garçon, fuir ce monde où personne ne le reconnaît "pauvre taré!". Et s'il n'y avait pas de solution ? A part peut-être celui de devenir oiseau ? Et si ce livre si sombre dont l'histoire expose avec talent le cheminement complexe d'un adolescent en mal de ce qu'il est, n'était pas tout à fait un livre pour adolescents ? C'est une des question que j'ai voulu poser à son auteur, Jean-Noël Sciarini en refermant ce roman et en ravalant ma salive.
*** Coup de coeur ! ***
*** Interview *** Interview *** Interview *** Interview *** Interview ***
Une rencontre au Salon du livre de Paris en mars dernier, puis la lecture de ce roman que Jean-Noël Sciarini m'a offert, et voilà comme une envie de lui poser quelques questions...
Comment t'es venue l'idée
de traiter de ce sujet ? Antony and the Johnsons dont le prénom du personnage
principal est tiré ?
Ce fut une succession de signes qui s’imposèrent à moi et me
donnèrent l’impulsion de commencer ce roman (car il s’agit toujours d’une sorte
d’impulsion, quelque chose comme une tension à soulager, bien plus qu’une envie
– et passée cette première étape, le plaisir de l’écriture est là, bien
sûr !). Parmi ces signes, il y eut, en effet, une chanson d’Antony and The
Johnson (artiste que j’appréciais déjà avant, mais sans plus) qui me
bouleversa, elle s’appelle Another world,
et qui fut le déclencheur de l’écriture du roman.
En quoi Le Garçon Bientôt oublié est-il un roman jeunesse ?

C’est une question difficile, à laquelle je ne suis pas certain de pouvoir répondre. Ce qui est certain, c’est que je ne me pose jamais la question de savoir si je vais ou suis en train d’écrire un roman jeunesse. On m’a déjà fait remarquer que certains de mes romans se situaient à la frontière entre littérature générale et jeunesse. L’âge des protagonistes est, c’est certain, un facteur évident installant de fait mes romans dans le paysage de la littérature jeunesse, mais au-delà de ça j’imagine que, pour ce roman en particulier (mais cela vaudrait aussi pour tous les autres), les thématiques abordées l’inscrivent dans la littérature jeunesse : la recherche d’identité, l’individuation, le sentiment d’être différent, le sentiment qu’une chanson puisse changer une vie (chose qui nous paraît sans doute, une fois devenu adulte, tout à fait stérile – et cela est bien triste je trouve).
Comment s'inscrit-il dans
ton travail ? Par rapport à toi, par rapport aux autres romans que tu as écrits ?
Il me paraît, aujourd’hui encore, difficile à
expliquer la place qu’occupe ce roman au thème aussi particulier dans mon
travail. Disons simplement qu’au-delà du thème saillant du roman – le transsexualisme −, celui-ci évoque des
thèmes que je n’ai cessé, depuis, d’explorer : l’inadéquation au monde,
l’importance de l’art (qu’il soit majeur ou mineur, littérature ou pop music),
la solitude, le regard des autres sur nos différences, etc.
Pourquoi cette
omniprésence de la musique ? Ton lecteur doit-il avoir des airs dans la tête quand il te lit ?
Ecris-tu dans le silence ou dans un bain de sons ?

Quand on a lu Le garçon bientôt oublié de Jean-Noël Sciarini, on enchaîne avec lequel de ses romans ?
Je conseillerais Les
disparitions d’Annaëlle Faier qui pourrait être le pendant ludique, extraverti
et aérien (et c’est aussi mon roman le plus spécifiquement adolescent par
ailleurs) du Garçon bientôt oublié, un roman assez
sombre. Ou alors ce pourrait être Tarja, qui est mon roman – déjà
publié - favori. Il est paru chez La Joie de Lire, et est plutôt destiné aux
jeunes adultes (15-25 ans). Quant à mon roman encore non publié favori, il s’agit
d’un Médium qui paraîtra chez L’Ecole des loisirs fin 2013 ou début 2014 je
pense, dont le titre n’est pas encore déterminé. Il s’agit je crois, à ce jour,
de mon roman le plus abouti, et j’ai hâte de le voir paraître ! Sinon pour
les lecteurs ados très romantiques, je conseillerais mon premier roman Nous étions des passe-muraille, une histoire d’amour entre une
jeune adolescente anorexique, qui est internée dans un institut psychiatrique,
et Jean, une sorte de géant un peu pataud, qui va tout faire pour l’aider à
s’évader et pour la sauver de sa maladie. Pardon, j’ai un peu triché …puisque
j’ai finalement cité tous mes romans !
Le garçon bientôt oublié de Jean-Noël Sciarini, Editions l'école des loisirs, collection medium, mars 2010 - 10 €
Le garçon bientôt oublié de Jean-Noël Sciarini, Editions l'école des loisirs, collection medium, mars 2010 - 10 €
SUPERBE super génial article croisé ;3 ♥
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