dimanche 17 juillet 2016

Pourquoi le bonheur ? Et la roue des émotions...

Je me demandais pourquoi naissaient dans les programmes des maisons d'édition autant de livres autour du bonheur, pourquoi "C'est quand le bonheur" et même pire dans l'insupportable : "Il est où le bonheur il est où ?". Je me demandais pourquoi on avait besoin d'en parler, de le chercher, de dire qu'il existait, pourquoi ce sujet émergeait. Et puis il y a eu ce nouveau drame, à Nice, cette fois. Un camionneur fou, des dizaines et des dizaines de morts, de blessés, fauchés, de vies brisées, dont celles d'enfants. Dans l'urgence du ralliement au nom de Daesh d'après ce qui est médiatiquement livré, suite à des revendications de ce weekend. Nuit du Sud de la France, chaleureuse, festive, légère, soirée familiale estivale, feux d'artifice, fête nationale. On y était tous. On aurait pu y être tous, avec nos enfants, nos parents, nos amis, nos copains, notre famille, des connaissances. Ce n'était pas nous, cette fois là, mais ça aurait pu. Sidération, choc, terreur, colère, pleurs. Peur aussi peut-être. Inquiétude en tout cas. De celle qui dit que n'importe qui, n'importe quand et avec peu de logistique finalement peut entrer dans cette danse macabre. De celle qui creuse le sentiment de la perte de sécurité dans tous les lieux publics. Une danse macabre qui donne tout pouvoir à des "soldats" qui prennent pour quilles des vies humaines, des pions de chair et d'os, mais ce n'est pas un jeu vidéo. Et il n'y a pas de répit finalement depuis les événements de Charlie Hebdo, depuis lequel la cadence s'est accélérée. Ils ont été eux mêmes précédés de troubles importants, d'attentats, et même de meurtres, dont celui innommable commis par Mohamed Merat en 2012 dans le Sud Ouest de la France, portant au nombre des victimes trois enfants de confession juive abattus à bout portant. A Nice, pour la première fois en France depuis Charlie, des enfants sont directement touchés dans leur chair. Pour la première fois, ils sont touchés, blessés, certains sont morts, certains sont entre la vie e tla mort. C'est absolument terrifiant, terrible, injuste, effrayant et inexplicable. Il faut pourtant expliquer aux enfants, la folie, la démence, le terrorisme et dire que malgré la répétion, la situation est exceptionnelle. Il faut leur permettre de croire à demain, les faire grandir, les aimer, leur permettre d'aimer  à leur tour, les élever dans l'ouverture, la solidarité, la culture.
Le premier combat sur nous-même serait donc celui d'oublier qu'on risque de mourir partout et à tout moment. Qui n'a pas pensé être une cible parfaite lors de l'Euro, des spectacles et concerts de l'été, lors de cette soirée de feux d'artifice, à Paris, ou ailleurs ? Qui n'a pas pensé être une cible parfaite dans une rame de métro, une gare bondée, un aéroport lors des départs en vacances ? Le premier combat pour nous-mêmes est donc de prendre la main des siens et de sortir, et de vivre et de regarder et d'aimer les instants, et de les cueillir et de se satisfaire de tous ces moments partagés, à créer, à réaliser, à faire naître et à vivre.
Alors pourquoi le bonheur ? Une question qui pourrait choquer quand posée après Nice mais qui n'empêche pas pour moi d'avoir d'être bouleversée et d'adresser mes pensées émues, choquées et profondément tristes aux familles touchées, blessées, disséquées et endeuillées. Pourquoi et comment le bonheur ? Pour ça probablement, les jours sombres. Ceux-là et ceux aussi qui font sortir les travailleurs dans les rues, les chômeurs, les étudiants qui pensent à demain. Aussi pour ceux qui sont auprès des réfugiés, traquent l'obtention de papiers, l'ouverture de droits sociaux... C'est pour quand le bonheur ? Pour jamais en fait, si on n'y prend pas garde. Voilà peut-être pourquoi, il y a tant de livres qui en parlent en ce moment, peut-être. Voilà peut-être pourquoi le mot est fredonné, chanté et attendu avec cette impression qu'il ne vient jamais.
 Il est où le bonheur ? Nulle part et partout. Il se saisit, c'est tout. Comme une fleur. Toutes petites parfois, minuscules, et se cueille à d'autres moments par gros bouquets. Il ne se donne pas, il se prend, comme les droits qui doivent être égaux pour tous, quelle que soit l'origine, la culture, quelle que soit l'orientation sexuelle. Si je le mentionne ici, c'est en pensant au drame d'Orlando. Chaque jour, rayonnant par un sourire, un mot, une lumière, une rencontre, un échange, une lecture, un plongeon dans la piscine, un gâteau au chocolat, un bisou à son papi, le bonheur. Et se jettent les troubles, les agacements, les colères, les échanges blessants, la tristesse, les frustrations sur des bouts de papier, qu'il faut faire disparaître pour commencer à y poser un pansement. Pas toujours facile de ne pas ronger, grogner, si ? Des petits bouts de bonheur à cumuler tous les jours, même les jours les plus durs, parce qu'on ne sait pas ce que sera demain et parce qu'hier arrive souvent trop vite. Parfois c'est bien, d'autre fois... il ne faudrait pas avoir de regrets, quoi qu'il puisse se passer dans nos vies. Et toutes ces émotions, les larmes qui disent l'inquiétude, la colère, la tristesse ? Elles sont nécessaires. Pour nous, comme pour les enfants. Ça aide d'en parler avec eux, de trouver les mots, de nommer les émotions pour les comprendre et les apprivoiser, pour pouvoir, une fois déchargées, réfléchir et se projeter. Et comme ce n'est pas toujours évident, voici quelques livres qui traitent de ce sujet. Et de cette chronique je ne voudrais garder que quelques mots, solidarité, égalité mais aussi liberté.
L'abécédaire des émotions de Madalena Moniz. Dans ce très bel album, une lettre est associé à un mot, celui qui répond à la question "Je me sens..." Audacieux, bizarre, curieux, distrait, minuscule, original, léger, révolté... et chacun est illustré dans une image d'une grande poésie qui met en scène un enfant dont l'apparence vestimentaire est toujours la même. Comme pour appuyer le fait que les bouleversements, les sensations, les émotions, si elles se traduisent dans les expressions du visage et les attitudes, remuent d'abord à l'intérieur. Un album d'une grande finesse, remarquable. *** Coup de cœur ***
Remarquable aussi et fort utile Les cahiers Filliozat * Mes émotions d'Isabelle Filliozat, Virginie Limousin et Eric Veillé. Dans ce cahier d'activités un peu particulier, l'enfant découvre de manière ludique, grâce à des dessins, des découpages, des jeux, le grand voyage intérieur que font vivre les émotions. Ils apprend à les reconnaître, à les nommer, à les laisser s'exprimer et à les transformer pour mieux les comprendre et les vivre, pour apprendre à les transformer positivement. Un petit pas de plus pour atteindre la confiance en soi et en ses capacités, en quelque sorte. Se dessiner joyeux ou en colère, relier des expressions dessinées et les émotions associées, dessiner deux expressions que l'on ressent en même temps, compléter des phrases avec des mots évoquant les émotions, coloriages magiques, quizz, toboggan des émotions, roue des émotions, diplômes, petites étiquettes où apposer frustrations, énervements et colères et  à déchiqueter et arme ultime le spray d'ocytocine à découper pour demander 20 secondes de câlin individuel et collectif pour apaiser les tensions. Facile à utiliser et à mettre en place dans la famille ! Signé Isabelle Filliozat, un cahier "Accompagner les émotions de votre enfant" complète ce livre d'activités illustré avec humour et inventivité par Eric Veillé.*** Coup de cœur ***
Barnabé l'inquiet d'Odile Bailloeul et Claire Curt. Barnabé a peur que le vent emporte ses habits, il a peur des fourmis, il a peur de dormir sans lumière... Barnabé est un souriceau en tissu mis en avant en photos dans un petit album cartonné adapté aux petites mains. Barnabé a aussi une bonne solution pour se rassurer, un doudou qu'il est capable d'aller rechercher partout ! A découvrir dans la nouvelle collection Tout-petits Souris chez La joie de Lire.
Devine qui ? Mon imagier des émotions de Jarvis. Un fil rouge à suivre du doigt parcourt l'album de pages en pages. De pages en pages, les émotions sont citées et il faut retrouver dans l'image qui est... Content, surpris, jaloux, impatient, inquiet, énervé, triste, timide, en colère, effrayé... dans des situations diverses de la vie quotidienne. Comme ces émotions peuvent s'exprimer dans des situations différentes, les mêmes adjectifs sont repris et illustrés de différentes manières pour permettre de mieux les détecter et les comprendre. Un album ludique.

Même pas peur ! de Coralie Saudo. 1 requin dans le bain, 2 calamars dans le peignoir, 3 putois dans le pyjama... Même pas peur ! Dans un album joyeux et dynamique, une petite fille est présentée dans les scènes de la vie quotidienne qui précèdent le coucher. Le bain, le pyjama, le brossage de dents, l'histoire du soir (Trop grande Trop petite de Pog et Mélanie Fuentes qui ouvre avec Même pas peur ! la nouvelle collection aux Minots "Ceci Cela"), le doudou, l'extinction de la lumière... et alors ? Peur ou même pas peur ? Et non, même pas peur malgré la collection d'animaux originaux présents dans cet album, la petite fille s'endort tranquillement rassurée par une tribu qui lui permet d'éteindre la lumière en toute sérénité et bien entourée. Un album joyeux et énergique, des couleurs vives et chatoyantes, des bestioles peu fréquentes, et on peut même en profiter pour compter jusqu'à 10 autre chose que des moutons ! Alors... bonne nuit !
 Sam et Watson de Ghislaine Dulier et Bérengère Delaporte * Plus forts que la colère ! * ont confiance * Les saisons de la vie. Dans cette nouvelle série surtitrée Les Petites histoires pour la vie chez P'tit Glénat, un petit garçon Sam forme un duo avec son chat Watson avec qui il discute l'air de rien de grandes questions de la vie. Les émotions, la mort, la confiance en soi... autour de valeurs, de réflexion, d'attitudes de pleine conscience et de quasi méditation, les discussions entre les deux compères ont vocation à faire comprendre à l'enfant les chemins possibles (très balisés) pour se ré-assurer dans ses compétences, et faire passer les orages. Les représentations des deux personnages sont chaleureuses, les textes restent très descriptifs et explicatifs. "Je sème des graines dans le jardin universel" nous confiait l'auteure lors de Livres Paris, et à chacun de les utiliser, de les faire pousser et de les jardiner. Une série intéressante pour les parents, pour les thérapeutes plus particulièrement ! Des extraits sur le site de l'éditeur ici.
Content, fâché ! Jouer avec les émotions, illustré par Amélie Falière. Dans la collection Nathan comme un grand, ce petit album cartonné aborde avec simplicité les émotions essentielles au travers le portrait d'un enfant aux expressions du visage très marquées. La dernière page propose le contour de la tête du personnage, que le jeune lecteur peut agrémenter de magnets (bouches, yeux, sourcils...) en fonction des émotions qu'il ressent et du message qu'il souhaite faire passer.
Le grand livre du bonheur pour les enfants de Leo Bormans, illustrations de Sebastiaan Van Doninck. Dans cet album très grand format, dix fables menées par dix drôles d'oiseaux livres les clés du bonheur : s'efforcer d'atteindre son but, cultiver de bonnes relations, saisir le sens profond des choses en faisant preuve d'ouverture, observer et apprécier, être soi-même, savoir donner, exprimer ses émotions, maintenir son corps en bonne santé, expérimenter, agir avec courage et détermination.  Chaque histoire, remarquablement illustrée, est suivie de questions de compréhension du texte, d'analyse et de mise en contexte qui permet au lecteur de la raccrocher aux valeurs de la vie. Quelques exercices manuels ou pratiques permettent d'aller plus loin. Un ouvrage intéressant, constructif et optimiste à aborder en élémentaire.

Les petits bonheurs chantés par Domitille et Amaury, illustré par Olivier Tallec . C'est en musique que la chronique se termine avec ce recueil original de grands classiques de la chanson française revisités avec enthousiasme : Quand on s'balade, Le petite bonheur, La tendresse, La grenouille, Route nationale 7, qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ... Le CD d'une trentaine de minutes est présenté dans un album illustrées par le talentueux Olivier Tallec qui apporte tendresse, sourire et légèreté à un album doux, joyeux et épuré dans lequel on retrouve les paroles des chansons. Des extraits sonores sur le site de l'éditeur ici.


A lire et à relire Sept sentiments dans 130 albums de  jeunesse ici










*** Les références ***

L'abécédaire des émotions... de Madalena Moniz - Editions Hélium - 2016 - 14,50 € 
Les cahiers Filliozat mes émotions d'Isabelle Filliozatet Virginie Limousin, illustré par Eric Veillé - Editions Nathan - avril 2016 - 12,90 € - à partir de 5 ans 
Barnabé l'inquiet  d'Odile Bailloeul et Claire Curt- Editions La joie de Lire Tout-petits Souris - Mars 2016 -  9,50 €.- dès 2 ans.
Devine qui ? Mon imagier des émotions illustrés par Jarvis - Editions Milan - 2016- 12,50 € - à partir de 3 ans
Même pas peur ! de Coralie Saudo - Editions Les Minots - avril 2016 -  13,90€- dès 3 ans.
Sam et Watson ont confiance* Sam et Watson plus forts que la colère * Sam et Watson Les saisons de la vie de Ghislaine Dulier et Bérengère Delaporte - Editions P'tit Glénat - mars 2016 - 12 € - dès 5 ans
Content, fâché ! illustré par Amélie Falière - Editions Nathan - mars 2016 - 11,90 € - à partir de 2 ans 

Le grand livre du bonheur de Leo Bormans illustré par Sebastiaan Van Doninck - Editions  Glénat Jeunesse - mars 2016 - 19,95 € - dès 6 ans
Les petits bonheurs  chanté par Domitille et Amaury illustré par Olivier Tallec - Editions Gallimard Jeunesse Musique collection 1 live 1 CD audio - mai 2015 -  20 €.- dès 3 ans.

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