dimanche 10 juillet 2016

J'aime pas le foot

Oh c'est bon on nous l'a déjà faite celle-ci. Oui c'est vrai. Mais tant pis. J'aime pas le foot et je n'embête pas grand monde avec ça et encore moins depuis quelques jours car mes enfants sont partis en vacances. Je ne suis pas obligée de subir la retransmission télévisée. Ouvrir la fenêtre ce soir suffira d'ailleurs à connaître le résultat, ou en tout cas le nombre de buts marqués par l''équipe de France. (Notons au passage l'utilisation d'un substantif devant France, de celui même qui permet une petite distanciation, de celle-là même qui peut être parfois nécessaire). Je n'aime pas le foot quand il prend toute la place dans le flux (le flot) médiatique. Attentat à Bagdad, par exemple (voir ici).
Je n'aime pas le foot quand dès le journal, ce dimanche matin très tôt, car très tôt levée pour mises de mes affaires en cartons, ni jaunes, ni rouges, l'antenne est occupée par le sujet. On a l'impression qu'il ne se passe rien d'autre - enfin si le Tour de France couvert par 2000 journalistes (sic) - et même que c'est le championnat du monde. Même pas ! Nan mais arrête, ça vend du rêves aux mômes ! ça vend du rêve ? Quel rêve ? Quelle image de la vie ? J'aime pas le foot quand les enfants prennent pour modèle des types ultra payés, machos, qui agissent et parlent comme des ados ultra gâtés qui ont oublié toutes réalités, toute humanité, toute solidarité (sauf pour redorer du blason si elle est médiatisée). Je n'aime pas le foot quand il fait tourner tête, quand il détourne la tête d'une réalité sociale rêche qui s'enfonce dans l'inégalité, l'injustice, la discrimination, passe outre, quand elle ne s'en nourrit pas, à l'engrais de sponsors qui s'asseyent de toutes leurs liasses sur la liesse populaire. Pas de mépris ni de condescendance, juste, ne pas oublier que les inégalités se creusent et qu'il est inacceptable que des types qui courent vite, longtemps  soient autant payés autant.
J'aime bien le foot quand le ballon est mis dans les pieds de tous les enfants, qu'ils soient garons ou filles (le ET étant préférable), j'aime bien le foot quand on fait un match tous ensemble. J'aime bien le foot quand les enfants se peignent les joues, quand le
rendez-vous est un grand rendez-vous familial, amical, j'aime bien le foot, quand il offre une bulle d'air dans un quotidien sous pression. Mais ce soir, pas de match pour moi, ronde de mots ou de cartons, ni rouges, ni jaunes. Et je n'embêterai personne. Je transmets juste que certains syndicats ont lancé un appel à la grève renouvelable tous les jours pendant les deux mois d'été contre la loi travail. Et je reprends France Inter ce matin, ouverture du journal de 10h00 en guise de pas de plus vers la  réflexion : "Une victoire des bleus ce soir améliorera le moral des citoyens". La bonne blague, il y a bien d'autres moyens de le faire et de façon durable. Bon match, bon instant présent, bon éphémère, vigilance rouge pour demain ! Et pour continuer réflexion et divertissement autour du foot, une petite sélection de livres jeunesse. En ont été écartés tous les livres sexistes que j'ai reçus sur la thématique.

Des histoires de foot pour réfléchir d'Isabelle Wlodarczyk et Mauro Mazzari. "Tout dans le foot paraît amplifié", si ce sport est universel, pas de barrage de la langue sur un terrain qui peut être celui de la paix, ou de la trêve comme cela a été le cas lors de la première Guerre Mondiale, quand des Allemands et des Français se sont retrouvés la balle au pied le temps des fêtes de Noël. "Mais le foot est capable à l'inverse de déclencher des conflits, des violences meurtrières (...)". "Sport de tous les excès (...) le foot est un laboratoire pour les philosophes qui cherchent à penser la politique et l'éthique". Dans ce documentaire remarquable, un traité presque, confié à nos intelligents bambins, on parle aussi de Femmes de foot en répondant à la question -  "Y a-t-il des sports pour les garçons et des sports pour les filles ? "- de belles défaites, des matchs honteux, RFA - Autriche coupe du monde en 1982... Et à travers chaque événement narré, une question de philo émerge : Tous les moyens sont-ils bons pour gagner ? Pour laver son honneur, peut-on enfreindre la morale ? Comment résister à la barbarie ? Un très bon livre à mettre entre toutes les petits mains.
J'aime pas le foot de Stéphanie Richard et Gwenaëlle Doumont. Lucien sera un grand gardien, c'est dit, c'est fait, c'est acté. Surtout depuis un arrêt du ballon pas vraiment fait exprès, mais peu importe. L'entraîneur la Terreur l'a dit. Mais remontons le fil de l'album. Papa aime le foot, et ses trois frères Tom, Bobet Léon aiment le foot aussi. Et en gros tout le monde aime le foot. Sauf Lucien qui préfère le ski ou rester dans son lit au lieu d'aller à un match à pas d'heure le matin ou courir pour rien par n'importe quel temps. C'est en zyeutant les filles au hand qu'il se retrouve dans la cage, et voilà l'histoire se déroule, se déroule, sur gazon et pas en salle. De l'humour et du canapé-livres dans cet album malicieux aux illustrations forcément tordantes : elles sont signées Gwenaëlle Doumont !
Philo mène la danse de Séverine Vidal illustré par Mayana Itoïz. Ridicule en short fluo, petites jambes toutes blanches, Philomène n'aime pas cette tenue, il n'aime pas non la raison pour laquelle il la porte. Mais il ne sait pas dire non, à son équipe. A son équipe de foot : "Depuis deux ans, tous les samedis, je suis avant-centre de l'équipe de foot de mon quartier". Et il n'aime pas. Ni le jeu, ni l'ambiance. Et pourtant, il a essayé au début. Quand il s'est dit, qu'il allait aimé le foot parce que la bibli ça va bien 5 minutes. Premier mercredi concours de crachats : chouette ! Premier samedi, match, échauffement militaire, coups de pieds dans la trombine pendant le match. Et pour quelques larmes, il se fait remonter les bretelles. Bienvenue chez les fous de foot et du champ lexical du combat. Vive le sport ! Heureusement, il y a Lorette et Lorette, elle danse, et Philo pourrait bien s'y mettre, lui aussi, à la danse ! Un chouette roman pour ouvrir ses petites œillères signé la grande Séverine Vidal.
Football cosmique de Fred Paronuzzi et Robin. Zac déteste le foot et... Lola sa grand copine adore. Il rêve de pirate quand elle adore s'agiter sur un terrain vert derrière un ballon rond. Il y a foot cet après-midi à l'école, et quand la maîtresse demande qui veut être le gardien, Zac s'y colle en pensant être plus tranquille dans la cage que sur le terrain. Mais il part plus loin que la lune, tellement il est dedans, et c'est avec des petits monstres verts qu'il se met à jouer... Jusqu'au but ! Aïe, il a plongé du mauvais côté, c'est égalité quand la fin de la séance de sport sonne ! Une histoire sympa qui inverse les rôles garçons / filles usuellement établis dans les cours de récré. De quoi laisser à chacun la possibilité de prendre la place qu'il aime. Les illustrations de Robon sont toujours aussi vives et dynamiques !


*** Les références ***
*Des histoires de foot pour réfléchir d'Isabelle Wlodarczyk et Mauro Mazzari - Editions Oskar Jeunesse - collection Philo des mots pour réfléchir - mai 2014 -  9,95 €- à partir de 8 ans.
*J'aime pas le foot de Stéphanie Richard et Gwenaëlle Doumont - Talents Hauts - septembre 2015 -  10,90 €- à partir de 5 ans
*Philo mène la danse de Séverine Vidal illustré par Mayana Itoïz - Talents Hauts - juin 2015 -  7 €- à partir de 7 ans.
Football cosmique de Fred Paronuzzi et Robin - Editions Gallimard Jeunesse - juin  2016 -  13,50 €.- dès 4 ans.


2 commentaires:

  1. Merci beaucoup !
    Fred P.

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  2. Merci Drawa pour ce texte. Comme vous j’aime le foot. Je n’aime pas le foot devenu davantage un business qu’un jeu ; le foot dernier vestige du colonialisme ou la vieille Europe dominait le monde ; le tabassage médiatique ; le foot qui rend con sur les terrains dans les rues et les tribunes.
    Mais j’aime le foot ; y jouer ; les terrains de campagne boueux ; une nuée de poussins dans des shorts trop grands courant après un ballon, la démocratie corinthiane ; les arbitres amateurs; les équipements dépareillés ; les vestiaires improvisés sur les parkings ; la bière chaude au coffre des bagnoles et les questions qui tuent : Quelqu’un aurait une chaussure gauche en 45 ? Qui lave les maillots cette semaine ?

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