mercredi 23 juillet 2014

Dahlias et chagrin


J'ai post-traité mes photos de Rêves d'Océans, Doëlan, le week-end dernier. Il me reste à écrire la chronique maintenant. Je la publierai en rentrant de vacances, car le temps manque pour tout boucler en même temps. Il ne me reste que quelques jours avant d'être en vacances, de zipper les sacs, de les faire, de penser à tout, pas toute seule cette fois. Lundi, en rentrant du travail j'ai pris les photos des cahiers d'activités Usborne sur les thématiques voyage et vacances, très chouettes pour occuper des heures durant les marmots s'il y a pluie, s'ils sont réveillés avant nous le matin, s'ils ont envie de colorier, de dessiner, de jouer, crayons et ciseaux en main. J'ai préparé les photos d'une prochaine chronique. Mon clavier fuyait encore. Ce soir, j'ai tourné en rond, préparé les visuels de couvertures des livres lus qui sont à chroniquer. J'ai tourné autour des thématiques prévues, j'ai dessiné un bateau, vite fait sur une photo de Grenouille à la plage. J'ai hâte de partir, de hisser les voiles, de filer, de couper. J'ai d'ailleurs déjà préparé les photos que je vais publier en mon absence. Mais le clavier fuyait toujours. Ce ne sont pas les mêmes choses que l'on livre quand on photographie et quand on écrit. Je me suis demandée si c'était le beau temps, si c'était parce que je préférais arroser les fleurs, mettre les mains dans la terre, faire des coloriages magiques avec les enfants, si le clavier fuyait. Si j'avais besoin, finalement, de faire une pause alors que j'avais indiqué que je ne ferai pas de pause sur le blog, cet été. Et je suis tombée, dans ma pile de livres lus, sur D'où il vient ce gros chagrin d'Anne-Gaëlle Balpe et de Cécile Vangout. Révélation. Comme si l'album avait chauffé le mot écrit sur mon carnet au jus de citron. Encre invisible. Il n'est pas gros, énorme, étouffant et au premier plan, le mien. Mais il est là et il remonte à la surface parfois, iceberg des émotions, qui vient percuter ses concurrentes comme s'il y avait concurrence. J'ai lâché des sacs de sable, couper des cordes et des ficelles, tourné des pages pour vivre sans lui. J'ai fait avec. Enfin, sans. J'ai fait en sorte, j'ai avancé, couru parfois, ralenti, reculé, fait des choix qui n'étaient pas miens, pas bons, ou pas mal mais pas pleinement consentis, j'ai tracé. J'ai fait des choix comme j'ai pu, comme il me semblait qu'ils étaient adaptés à ma situation de maman de très jeunes enfants qui avaient perdu leur père. J'ai consenti à ne plus faire le travail que j'aimais, à prendre le temps d'être avec mes enfants, j'ai mis de côté une carrière professionnelle potentielle. Je parle de moi quand je devrais parler de lui, le père de mes enfants, décédé si jeune, et dont c'est l'anniversaire aujourd'hui. Une barre s'est mise en travers de ma tête toute la journée. Plus ou moins forte, comme une ombre au tableau des jours et des semaines passés qui étaient bons. J'avais envie d'écrire coloré, d'écrire vacances, d'écrire mer, voyage, étoile. Non j'avais prévu, mais je n'avais pas envie. Et j'ai encore commencé trois chroniques en même temps, comme quand je lis 4 romans en même temps et que je ne sens pas l'élan venir. Pas le clavier glisser ou mes yeux se fermer. Cet état c'est comme la sensation que doivent avoir les enfants de parents divorcés. Loyauté à tout prix. Mais si j'ai retrouvé le sourire et des petites étoiles dans les yeux qui, quand ils rient, dessinent des pattes d'oie à perte de vue, côté bouclettes, avec Mon Humain, comme l'appelle Petit Pois, je ne peux pas ne pas penser à ce point devenu plus petit, moins vif, moins saillant, en pensant au papa de mes enfants, surtout aujourd'hui, quand j'écris alors qu'il aurait dû avoir 36 ans qu'il n'a pas eus. Entre deux, je me sens parfois comme divorcée, mais je ne suis pas une enfant. Et il est minuit. On est demain.
D'où il vient ce gros chagrin d'Anne-Gaëlle Balpe et de Cécile Vangout. "Ce matin je me suis réveillée avec un gros chagrin sur mon lit. Il était assis là et me regardait d'un œil triste. Je n'avais jamais vu de chagrin aussi gros". C'est une petite fille qui parle, rousse à couettes avec un énorme machin assis sur elle. Un poids, avec une drôle de tête : un gros chagrin personnifié. Quelle bonne idée. Ensemble ils cherchent son origine : un bobo sur le genou, un trou au doudou ? Non il ne s'agit pas d'un chagrin de petit bobo ou d'un chagrin de léger tracas. Si la petite fille ne trouve pas son origine, elle ne manque pas de ressources pour transformer son gros chagrin en petit puis tout petit tout petit machin et retrouver un sourire léger et coloré. Voici un très joli album pour parler aux plus petits de cette drôle d'émotion qui peut arriver comme ça, merci, sans prévenir. L'histoire met en scène une petite fille rassurante et posée, qui montre au lecteur qu'il ne faut pas s'inquiéter de voir débarquer dans son cœur ou dans son ventre une chose aussi grosse, lourde et encombrante d'un coup. Comme s'il était possible d'en faire quelque chose et de trouver en soi la force de la faire disparaître, un texte qui roule sans larme sur les joues signées Anne-Gaëlle Balpe. Les illustrations à la fois douces, colorées et naïves de Cécile Vangout donnent à l'album force et légèreté, tendresse et bienveillance. *** Coup de cœur***

*** Les références ***

*  D'où il vient ce gros chagrin ? d'Anne-Gaëlle Balpe et Cécile Vangout - Editions Gautier-Langereau - avril 2014 -  10,50 €


je lis et  je relie...
à une chronique dans laquelle on retrouve Petit Minus illustré par Cécile Vangout et écrit par Séverine Vidal. C'est par Ici

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