dimanche 27 avril 2014

Prix Sorcières, que des pépites ?

J'ai eu la chance de recevoir tous les titres qui ont remporté le Prix Sorcières décerné le 12 avril dernier, comme un cadeau d'anniversaire, c'était la bonne date, mais il m'a fallu un peu plus de temps et de souffle pour les lire, un tout petit peu plus que ceux nécessaires pour éteindre les bougies. Microbes, obligations et rendez-vous divers ayant rattrapé mon quotidien. Je vous annonçais les gagnants Ici, en voici ma lecture, dans l'ordre de leur nomination, Tout-petits, albums, premières lectures, romans juniors, romans ados, documentaires, des lectures aussi variées qu'inégales, certaines m'ont ravie, d'autres étonnées, d'autres encore moins séduites, c'est le risque d'une sélection imposée, mais quel régal aussi. Voici donc mon avis sur les livres primés Sorcières.

Le jour, la nuit, tout autour de Julie Safirstein Tout-petits. C'est une belle promenade sans histoire ou avec des histoires à l'infini que ce livre là. Je dis livre, couverture presque souple, sur un fond bleu qui invite au voyage. Comme si la forme blanche sur la couverture était un oiseau aux ailes déployées. Pas d'histoire, mais des contraires représentés, des couleurs primaires la plupart du temps, et une élégance graphique, une simplicité chic qui fait de ces pages reliées grande qualité, comme l'est l'édition d'ailleurs, celle d'un bel objet à manipuler. Des pop-up, des claps, des plis, accordéons et systèmes divers, mettent de la vie, du concret, de la 3 D dans chacune des pages de ce bel ouvrage grand format. Gauche/ droite, haut/bas, jour/nuit, monter/descendre, dedas/dehors... Pour chaque duo Julie Safirstein offre une expression graphique d'exception, à manipuler cependant avec précaution, pas sûr qu'il soit destiné aux tout-petits, ainsi. 
La petite fille en rouge d’Aaron Frisch et Roberto Innocenti Albums C'est l'histoire du Petit Chaperon rouge. Une version moderne du conte. Il y a cette petite fille au manteau et bonnet rouges, Sophia, "une petite fille sage", il y a la ville comme bois. Sombre, foisonnante, inquiétante, sale, trop peuplée dans les grandes rues, pas assez dans les ruelles. Elle doit la traverser pour rendre visite à sa mamie. Cette dernière "n'est pas très en forme et apprécierait un peu de compagnie".  Elle part, non sans les conseils de sa maman "Ne t'écarte jamais de ton chemin". Et comme elle est sérieuse, elle ne le fera pas. Son regard se perd dans la jungle citadine. Musique, magie, mystère de la mégalopole. Trafic dense et l'enfant se perd. D'abord dans ses pensées puis réellement dans cette forêt de briques et de béton. La voilà piégée par des chacals. Casque de moto, imper de cuir noir, lunettes de soleil noires aussi, un éclair, la pluie, l'orage. Un homme au visage fermé et à l'allure froide et intimidante entre en scène. C'est le loup... Il la sauve. Pour un temps car arrive à peu près ce qui devait arriver, sans que l'on ne sache vraiment quoi. La porte est ouverte à notre imagination qui plombée par un univers inquiétant vogue vers le pire. Peut-on changer la fin ? Des illustrations réalistes, sombres, inquiétantes, foisonnantes d'informations, de pub, de couleurs, étouffantes, qui, alors que le texte ne parle jamais de la ville, font monter la tension jusqu'à l'extrême. Cet album n'est pas destiné à des tout-jeunes lecteurs mais à réserver à des élèves en fin de primaire qui pourront capter cette vision moderne d'un Chaperon Rouge pris au piège sans chevillette ni adoucissant. Je n'ai pas accroché mais je suis quand même tombée dans la gueule du loup.  
Il était une fois… Contes en haïku d’Agnès Domergue et Cécile Hudrisier Premières lectures. Il est petit, discret, une couverture sobre, cartonnée, belle reliure, des illustrations fines, aquarelles au trait léger, il pourrait passer inaperçu, parce qu'il est élégamment discret, mais dès qu'on l'ouvre, ce n'est plus possible. Autour des contes très connus, Perrault, Andersen, pour ne citer qu'eux, Agnès Domergue est à la plume, reine de l'haïku et Cécile Hudrisier emporte ses mots avec grand talent dans l'univers d'une histoire très connue. L'association est aussi douce que lumineuse, la fusion du texte, en page de gauche, et de l'illustration qui lui répond, la complète sur l'autre page est évidente et tellement réussie. Il y a à la fois cette finesse commune de l'esprit qui se livre à un exercice difficile, l'haïku, et celle du style de Cécile Hudrisier qui offre une bulle illustrée, fragile et aquatique illustration pour développer son trait avec la finesse de quelques indices. Grâce et finesse, l'une et l'autre ne sont pas déposées dans les pages par l'une et l'autre des auteures sans un brin d'humour, de facétie, des jeux avec les mots ou d'effets de miroir. Pinocchio est 
"De fil et de bois 
une branche qui s'allonge
mensonge ". Dans une grande botte, d'où sortent deux oreilles aussi pointues que poilues, il faudra retrouver Le Chat Botté, 
" Un chat qui s'amuse
ruse
et croque la souris".
Vingt contes revisités avec élégance et poésie qui font un recueil à découvrir dès la maternelle, un index clôt ce très bel album, au cas où on ne trouverait point Princesse au petit pois, Poucette, Les cygnes sauvages ou autres Raiponce, Cendrillon, Hansel et Gretel... *** Coup de cœur ***
Les avis de Bouma , de Za
Le rêveur de Pam Munoz Ryan et  Peter Sis. Neftali Reyes est un jeune garçon fragile qui voit sauter les chiffres de sa feuille quand il fait ses devoirs pour rattraper son retard en classe, qui voit un ami imaginaire derrière la palissade, lui qui est si solitaire, qui ramasse tout ce qu'il trouve par terre, que cela provienne de la nature ou ait été abandonné par des hommes. Même une vieille chaussure. Neftali voit les mots se promener dans sa tête, chaque bruit extérieur, goutte de pluie, vent dans les feuillage fait pour lui déjà un air sur lequel il posera des mots, Neftali est déjà poète. Sans vraiment le savoir, il deviendra, pseudonyme oblige, Pablo Neruda. Nous sommes au Chili dans les premières pages de ce roman qui nous emmène pour un fabuleux voyage. Fabuleux parce qu'il est beau, tant dans le texte, qui joue parfois avec les sons et le graphisme, que par les illustrations servies avec parcimonie et tout de vert vêtues par Peter Sis. Fabuleux parce que l'enfant fabule, s'extrait d'un univers qui n'est pas tendre, rythmé par un père cheminot, un chef d'équipe qui mène sa famille durement, lui qui n'est pas parvenu à faire le métier dont il a toujours rêver voudrait faire de ses fils des docteurs, quand l'un voudrait être chanteur - Rodlfo, son aîné -  et lui est poète, poète au plus profond de son être, son oncle Orlando, le révélera en publiant l'un de ses textes dans le journal pour lequel il travaille. Plus de mère pour Neftali, mais une belle-mère, Mamadre, qui craint son mari autant que les enfants leur père et ne peut intervenir lors des scènes de violence comme celles qui se répètent tous les jours lors des vacances d'été. Le père force les deux plus jeunes enfants, Neftali et sa jeune sœur, à apprendre à nager dans une mer agitée, une eau glacée contre laquelle ils luttent difficilement à contre-courant. A contre-courant c'est ce que Neftali est au fond de lui, quand il se cache pour lire, pleure un cygne mort, prend la voix des opprimés. Ce roman le voit et le fait grandir, on le suit jusqu'à l'université, jusqu'au moment où il deviendra Pablo Neruda, celui qui écrira malgré l'interdit posé par son père, qui a, à la suite d'une publication, brûlé ses cahiers, ses textes, l'intégralité de ses écrits. Semés de-ci de-là au fil de la narration, ses poèmes viennent la mettre entre parenthèse pour offrir un nouveau sens aux mots, ceux qui riment avec liberté. Vraiment, la lecture de ce roman à découvrir à partir de 12 ans m'a ravie. Très grand *** Coup de cœur ***.
Calpurnia de Jacqueline Kell. 1899 au Texas. Calpurnia n'a pas encore 12 ans (11 ans trois quarts pour être précis), elle est la seule fille d'une fratrie qu'elle compose avec six garçons, enfants de riches propriétaires terriens cultivateurs de coton. Les bonnes manières sont de rigueur et l'éducation d'une jeune fille de bonne famille rime avec leçon de piano et usage du mouchoir et du dé à coudre. Pourtant l'enfant, grande observatrice, passe plus de temps à observer les changements de comportement des insectes et des animaux dû à une terrible sécheresse, qu'à coudre. Ses échanges avec Bon-Papa, son grand-père naturaliste qui l'emmènera cahier de notes dans les mains faire des promenades naturalistes en lui faisant lire Darwin, sera la révélation de sa vie et la conforterons dans ses goûts de l'observation tout en lui inculquant une démarche scientifique, à une ou deux gorgées d'alcool de noix près. C'est cette démarche qui se construit pas à pas avec l'enfant en plein apprentissage, ses observations attentives et minutieuses, entre le changement de couleur des sauterelles, la guerres des opossums, les oiseaux mouche, l'élevage des quelques spécimens dont Petey la chenille qui deviendra un splendide papillon de nuit que l'on suit, avec lenteur et étonnement. Jusqu'à l'apothéose, la découverte d'une vesce inconnue du "Comité de taxinomie des plantes de la Smithsonian Instituion".  Une consécration pour Bon-Papa devenu naturaliste après une rencontre avec une chauve-souris en pleine guerre de Sécession, un premier pas vers de brillantes études scientifiques pour la jeune fille, un premier pas vers la liberté aussi. Un roman surprenant, attachant, dont on suit le cours avec étonnement et sans vouloir en perdre un gramme, vraiment !
C’est ta vie ! L’encyclopédie qui parle d’amitié, d’amour et de sexe aux enfants de Thierry Lenain et Benoit Morel. Les relations d'amour et d'amitié, l’hétérosexualité, l'homosexualité, l'envie (ou pas) d'être parent, les contacts, gestes, câlins, les relations sexuelles, les interdits, le corps, celui des filles, celui des garçons, le sexe, l'adolescence, comment l'embryon se forme et devient un bébé... impossible de parler de ce livre documentaire sans en balayer d'abord quasi exhaustivement son sommaire. A destination des enfants à partir de 8 ans, l'album est impressionnant de simplicité alors qu'il aborde des sujets forts, parfois tabous, dont il n'est pas toujours évident de discuter entre enfants et parents. Les enfants y trouveront des informations essentielles sur les questions qu'ils peuvent se poser dès l'école primaire ; les parents y piocheront une manière simple de les aborder. Intimité, amour et autres émotions, l'évolution du corps, la sexualité et le bébé de sa conception à la naissance, traités avec couleurs, voici un livre à découvrir d'urgence et à intégrer dans la bibliothèque familiale, hymne à la vie, à l'égalité, à la différence, à la liberté et au respect, le texte de Thierry Lenain est accompagné d'illustrations à la fois réalistes et fortes signées Benoit Morel, avec lesquelles il représente les sujets traités avec tendresse, couleurs vives et émotions. Porté par une très belle qualité d'édition, un papier épais, une couverture souple et vernis, C'est ta vie est un très beau rendez-vous avec la vie. 
Les avis de La mare aux mots Ici
de La littérature de Judith et Sophie Ici

N'hésitez pas à me donner vos avis ou vos remarques sur cette sélection de livres primés par un regroupement de professionnels de la littérature jeunesse, des bibliothécaires et libraires.

*** Les références ***
*tout-petits : Le jour, la nuit, tout autour de Julie Safirstein Edition Héliumoctobre 2013- 17,90 € à partir de 4 ans.
*albums : La petite fille en rouge d’Aaron Frisch et Roberto Innocenti
traduction de Catherine Gibert - Edition Gallimard Jeunessefévrier 2013 - 13,90 € à partir de 8 ans.
*premières lectures : Il était une fois… Contes en haïku  d’Agnès Domergue et Cécile Hudrisier Edition Thierry Magnierfévrier 2013 - 11 € à partir de 5 ans.
*romans juniors : Le rêveur de Pam Munoz Ryan et  Peter Sis - traduction Pascale HoussinEdition Bayard Jeunessefévrier 2013 - 15,90 € à partir de 12 ans.
*romans ado : Calpurnia de Jacqueline Kelly - traduction Diane Ménard -Edition L'école des loisirsmars 2013 - 19 € à partir de 14 ans.
*documentaires : C’est ta vie ! L’encyclopédie qui parle d’amitié, d’amour et de sexe aux enfants de Thierry Lenain et Benoit Morel Oskar Editionsjuin 2013 - 19, 95 € à partir de 8  ans.

5 commentaires:

  1. En fait, vous avez attendu le jour de mon anniversaire pour écrire cette chronique. Cool ;-)

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    1. Chouette ! Alors très joyeux anniversaire et tchin !

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  2. Merci beaucoup pour ces références. Le rêveur et les contes en haïkus me tentent bien.
    Bonne soirée!

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  3. J'aime beaucoup la couverture de "Calpurnia" et l'histoire à l'air très intéressante...
    Quand à l'encyclopédie "c'est ta vie", je crois que je vais l'acheter pour la mettre chez ma mère, à disposition de tous mes neveux et nièces ! Bonne journée !

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