mercredi 5 mars 2014

Quelques mots d'amour...

... Dans le creux de l'oreille, dans le revers d'une manche, le dessous d'une page, au fond d'un lac, dans les nuages, sous les arbres, dans les buissons, quelques mots qui pétillent dans l'estomac, qui chatouillent les doigts, comme une brindille... Quelques mots d'amour, légers, gais, frais, colorés, denses. Danse. Dansent les mots, les pensées, les baisers, les couleurs sur les joues, dans le cou. Des mots qui se rencontrent, se promènent, tombent amoureux, s'emmêlent, se mélangent, changent de couleur. Un petit cœur qui bat, deux peut-être, des émotions qui poussent à toi, en toi, même à l'impossible. Quelques mots d'amour, dans quelques beaux albums qui en parlent bien, chacun à leur manière. 

Les chaussettes qui puent d'Ingrid Chabbert et d'Estelle Billon-Spagnol. Bien sûr dit comme ça, enfin lu comme ça, le titre, enfin vue comme ça, la couv', ça ne dit pas vraiment que cet album va parler d'amour. On dirait bien plutôt qu'il va parler de chaussettes. Et comme je vous ai parlé de bottes et de chaussures dans ma chronique de vendredi (ici), cet album fera une parfaite transition entre les deux. Vous avez vu sa frimousse -outre le fait que ce soit la maison d'édition de l'album - vraiment, vous avez vu ce sourire, ces tâches de rousseur, ses yeux en amandes à ce petit bonhomme là ? Il s'appelle Hector. Et Hector "adore ses chaussettes rouges à rayures blanches. Il les aime tellement qu'il ne les quitte jamais". Machine à laver interdite, chaussettes rouges à rayures blanches le lundi, chaussettes rouges à rayures blanches le mardi, chaussettes rouges à rayures blanches le mercredi, chaussettes rouges à rayures blanches le jeudi et ainsi de suite jusqu'à dimanche, les chaussettes rouges à rayures blanches ! De jour comme de nuit, le port de ses chaussettes rouges à rayures blanches (celles-là pas d'autres hein) est obligatoire, contre avis et nez parentaux. Il faut dire qu'en début de semaine ça peut à peu près aller quand papa a réussi à les subtiliser en douce le temps d'un bain tambour battant. Mais plus la semaine avance, plus l'odeur forte monte aux naseaux de tous (mais pas à ceux d'Hector, comme c'est étrange), moins c'est facile de les subtiliser pour les laver et plus Hector râle, râle, râle (et vocifère aussi!). Mais quand Hector croise la nouvelle voisine "Elle est jolie, elle a les cheveux longs et des supers chaussettes jaunes et bleues", lui tombe un brin amoureux, elle tombe presque dans les vap' tellement.... "Bouaaahhh ! Qu'est-ce que c'est que cette odeur ?!". Et si les chaussettes étaient des tue-l'amour ? C'est peut-être bien la conclusion pour laquelle va opter Hector et faire laver les siennes (qui puent en plus) pour tenter d'attraper un premier baiser !  Je vous ai déjà dit que j'étais fan d'Estelle Billon-Spagnol, son trait, son univers, ses choix de couleurs, la malice et les expressions de ses personnages, leurs mouvements, leurs mimiques, son humour un poil acide. Elle a su ici parfaitement illustrer le texte enlevé et gai d'Ingrid Chabbert, le duo fonctionne bien, fou-rire assuré, surtout si vous mettez le ton (un peu dégoûté) lors de la lecture à voix haute ! Gros ***  coup de cœur ***. 

Marara, un amour de plumes et d'eau. Il y a, dit-on, des amours impossibles. Comme par exemple celui d'un poisson princesse des profondeurs et d'un oiseau " un aérien qui se nourrit de vent... Et des tiens !". Elle était pourtant convaincue que c'était possible, son amour, leur amour, saurait vaincre leurs différences et ils partageaient la même mer alors pourquoi pas le même air ? " A force d'entraînement...". Ils étaient différents l'un de l'autre, tellement différents et tellement proches cependant. Réunis par le même sentiment, parviendront-ils à s'unir ? " La terre , la mer et les cieux sont peuplés d'êtres différents. C'est le mélange entre eux, les amours clandestines qui ont permis cette force". Poétique et tendre, cet album aux illustrations dont les teintes jouent sur la palette du vert, entre ciel et mer, mer et mer profonde, s'inspire de l'univers tahitien pour parler de la naissance du Marara, le poisson volant. Hymne à l'amour et à la différence, ce conte véhicule douceur et bienveillance. 

La drôle de maladie de P'tit Bonhomme de Pierre Delye et Irène Bonacina. ça va pas. ça va pas du tout pour P'tit Bonhomme qui rentre en trombe chez lui. Il ne se sent pas bien il a le ventre tout serré, le cœur qui yoyote et les genoux qui tremblotent. Mais que se passe-t-il ? Faut-il qu'il s'inquiète ? Et pourquoi personne ne veut lui dire ce qu'il a. C'est vrai quoi, on le regarde avec bienveillance, on lui dit que c'est sérieux, mais que c'est un secret et que c'est lui, lui seul qui doit découvrir ce qu'il a. Vraiment, les adultes n'importe quoi. Et pas seulement ses parents qui l'envoient faire le tour de la ville à la découverte de ce qu'il a. Tous, tout le monde sait ce qu'il a mais c'est un secret et il doit découvrir cette drôle de maladie, celle qui le fait se sentir sans dessus ni dessous, pas si mal et pas bien du tout, seul, vraiment seul. C'est trop difficile, il en devient malheureux. Tellement malheureux que sa maman le prend dans ses bras et lui dit de retourner là-bas, là où tout a commencé : dans la forêt. Et savez-vous qui il y a dans la forêt ? P'tit Bonnefemme... Un album tendre aux illustrations toutes douces, tendance rétro. 

Deux qui s'aiment de Jurg Schubiger et Wolf Erlbruch. Ils y pensent ou en échangent à deux, ils y pensent seuls, en regardant les étoiles et le ciel, en faisant des bonds qui se comptent en mètres, ils sont très différents, tendent le cou pour se faire de doux bisous, pour se rapprocher, s'offrir tendresse et douceur. Ils en parlent, jouent avec les mots, construisent des images et des tours, des tours, de sentiments et d'amour insubmersibles. Ils sont choux. Ou plutôt sur des choux. Ils sont polaires, comme un ours et un phoque ;  ils s'aiment comme chien et chats, sur un canapé, ils ferment les yeux pour goûter et apprécier, ils sont des dizaines d'animaux qui s'aiment dans un très beau livre d'images dont les illustrations sont d'exception. Le texte qui les accompagne (à moins que ce ne soit l'inverse) positionné comme un poème en phase, à gauche de la double page, fait vagabonder les mots et les pensées, toujours sur le même thème, celui de l'amour. Et c'est très bien écrit aussi. 

Mademoiselle Tricotin d'Alice Brière-Haquet et de Célia Chauffrey. Tricoti, tricota, "Mademoiselle Tricotin tricote tout ce qu'elle voit". Elle agite ses aiguilles, transforme des moutons en chaussons, le chant des oiseaux en gros manteau ;  tout ce que la nature lui offre, elle le saisit dans ses aiguilles et le réécrit avec sa laine, ses rêves et ses très grands yeux gris avec lesquels elle redimensionne la vie et fait en sorte d'y mettre douceur et couleurs pour arrondir le quotidien, le rendre plus moelleux et plus serein. Et quand elle trouve un joli bout de laine dont elle ferait bien une belle paire de chaussettes, qu'elle l'emprisonne dans ses aiguilles elle rencontre son homologue, un joli garçon qui tricote en laine lui aussi. Laineront-ils ensemble ? Bien possible ! Voici un album poétique, doux et sucré qui parle d'amour et de moitié en proposant un mariage parfait entre texte et  illustrations (d'exception!) pour offrir couleur et magie des mots, poésie des images et  gymnastique des sons et des nuances. C'est, tout en finesse, tout en tendresse, un doux  *** Coup de cœur ***  

Une pensée pour les lecteurs un tout petit peu plus âgés - 9-11 ans : je ne peux pas vous laisser sans vous dire que j'ai refermé hier soir ce très beau roman, La meilleure nuit de tous les temps de Séverine Vidal, qui parle lui aussi d'une histoire d'amour et sur lequel je reviendrai la semaine prochaine dans ma chronique sur Les Incorruptibles. Un gros coup de cœur !

** Les références ***

*Les chaussettes qui puent d'Ingrid Chabbert et d'Estelle Billon-Spagnol - Editions Frimousse, 2013 - 13 €
*Marara, un amour de plumes et d'eau de Roxane Marie Galliez et Sandrine Lhomme - Balivernes Editions - septembre 2007 - 12 €
*La drôle de maladie de Pierre Delye et Irène Bonacina - Editions Didier Jeunesse -octobre 2013 - 12,50 €
*Deux qui s'aiment de Jurg Schubiger et Wolf Erlbruch -  Editions La joie de lire - octobre 2013 - 12€
*Mademoiselle Tricotin d'ALice Brière-Hquet et Célia Chauffrey, Editions Les P'tits Bérets - 2011 - 12,90€

3 commentaires:

  1. maman baobab, c'est toujours un plaisir de vous lire, quand en plus Hector est de la partie, c'est hum hum un régal. MERCI

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  2. Merci beaucoup de laisser une petite trace de votre passage sur le blog... et des compliments aussi !

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