samedi 12 octobre 2013

N'est pas Ricoré qui veut...

Décomposer, composer, recomposer. Éclater, n'être plus, perdre l'autre, faire le deuil. Faire le deuil de l'autre, décédé. Faire le deuil de l'autre parti, ou que l'on a quitté. Séparation. Faire le deuil de la famille type. Stéréotypée. Elle est lourde, elle est pesante, elle est culpabilisante, cette image Ricoré. D'autant plus quand, j'imagine, on décide de se séparer, de quitter, d'arrêter, de rompre. Faire le deuil de ce que l'on avait projeté, rêvé, imaginé. Continuer. De toute façon continuer. Mais différemment. Continuer parce que de toute façon, il y a les enfants. Les enfants. L'enfant. Des concessions, une organisation dans l'Intérêt Supérieur de l'Enfant. Comment ne pas y penser. Et comment ne penser qu'à cela ? Composer seul(e). Exercer seul(e) l'autorité parentale, quand il n'y a plus l'autre. Composer avec l'autre, exercer à deux l'autorité parentale, à deux séparés. Maintenir une coparentalité en passant au-delà l'explosion du couple conjugal. Maintenir un lien, une unité parentale. Coparentalité. Voilà, ça y est, on ne met plus de tiret. Entre co et parentalité. Union. Le terme est adopté, utilisé, le concept est évident. Le concept, évidemment. Et la pratique ? Gloups. Oups. Soupe. Moins déjà. 
Exercer à deux l'autorité parentale. A deux séparés. A deux peut-être fâchés, à deux sans vraiment être à deux. Courir après les autorisations, les signatures, les accords, s'accorder, alors que des violons ne sortent que des fausses notes. Ce n'est pas toujours le cas. Mais quand même, ça a l'air bien compliqué, de composer, de dépasser son amertume, ses frustrations, sa douleur, sa rancune, de ravaler une quasi haine née d'un amour qui n'est plus, pour faire quand même, malgré tout, couple parental. Plus je lis, plus je réfléchis sur la question, souvent parce que je lis, je réfléchis sur ma propre situation qui, si elle est une situation subie d'explosion du couple conjugal, n'a pas comme conséquence la pratique de la coparentalité, plus je me dis même si elle est lourde, que ce n'est peut-être pas la plus compliquée. Comparée à une séparation, j'entends. Comparée à d'autres situations de monoparentalité. Parfois, dans une situation de veuvage (immonde mot) on se sent seul(e), tellement seul(e). Etre parent seul(e), gérer les enfants seul(e), prendre des décisions seul(e), c'est parfois vraiment difficile. Mais quand une semaine sur deux, un week-end sur deux, sur trois, un parent dit blanc quand l'autre dit noir, ça ne fait pas gris dans la tête des enfants, ça fait perturbation, insécurité, fréquences brouillées, conflit de loyauté. 
Je ne vis pas ça. Ce que je vis est bien différent, et c'est parfois moi, qui me pose la question du conflit de loyauté. Qu'est-ce qu'il aurait pensé de. Lui. Le parent qui n'est plus là. Et je sais, je sais qu'on n'est pas mangés à la même sauce quand on est parent veuf ou parent divorcé. Je sais que je suis certainement bien plus aidée et considérée par ma famille et par mes proches, que peuvent l'être certains parents divorcés. Je sais que ma famille et mes amis sont toujours là pour moi. Oreilles attentives, bienveillantes, encourageantes, celles qui me redonnent le petit déclic qui me propulse à nouveau. Mes amis qui me réassurent dans mes choix de vie, dans mes choix éducatifs notamment. Parce que quand on est parent solo solo, quand il n'y pas de miroir, de contrecarré, de point de vue différent, de discussion... Ce n'est pas non plus facile de se construire, de faire famille, de sécuriser le développement psycho-affectif de l'enfant. L'équilibre et la stabilités sont très durs à trouver et restent parfois précaires. Un grain de sable et tout croule. Quand il n'y a pas de relais, pas de répit, pas de possibilité de reprendre son souffle, ce n'est pas non plus facile de prendre du recul et la fatigue a comme une fâcheuse tendance à prendre le dessus sur la patience et la pertinence des actes et de la gestion des situations. Sincèrement : c'est dur d'être parent solo. Psychologiquement, matériellement, financièrement, en terme d'organisation aussi. Mais franchement, c'est tellement énorme d'avoir la chance d'être parent, que je l'écris, que je le rappelle. Parce que c'est un sentiment, un fait, qui se noie parfois dans le rythme du quotidien. Pour moi la première. Qui se noie dans les cris et les pleurs du soir. De ces soirs d'après boulot où on aurait qu'une envie, appuyer sur pause, être deux. Tu fais le bain, je fais la cuisine. Je fais les devoirs, tu lis l'histoire. Je débarrasse, je fais la vaisselle, tu t'occupes du linge, tu donnes à manger au chien. Mais non. Situation choisie ou non, elle est subie. Vous ferez tout Monsieur ou Madame, tout à suivre et seul(e). Et il est déjà 21h00. Et vous tenez un blog. Mais quand dormez-vous et combien de temps ? La nuit. Mais peu. 

Je ne sais pas pourquoi. Non, je ne vous dirai pas pourquoi, mais j'écris cette chronique en écoutant ça. En boucle. Et si j'avais eu un rédacteur en chef, un support magazine, il m'aurait dit que je n'avais ni respecté le calibrage (mon article écrit au fil de mes pensées nocturnes fait des kilomètres) ni respecté le thème que j'avais choisi de traiter, la famille plurielle, la famille recomposée. Je publierai une petite sélection de livres sur ce sujet. Elle est prête, sur ma pile, elle est lue. J'ai une pensée émue pour une de mes lectrices qui a laissé un message sur le blog hier. Je tenais à l'écrire et à le lui dire. C'est difficile, mais c'est surmontable. C'est surmontable parce qu'il y a des enfants. Et l'énergie et la force sont à puiser dans ces petits êtres que nous avons fait naître. Mais pas seulement.

3 commentaires:

  1. J'aime beaucoup tes billets kilométriques, à l'image de la vie qui est tout sauf loin d'être calibrée !!!!
    Bises

    RépondreSupprimer
  2. Beaucoup d'émotion à la lecture de ce billet. Il faut beaucoup de courage et de générosité pour regarder autour de soi quand la vie ne vous épargne pas. Et pourtant, ça en vaut la peine car on n'est jamais aussi seul qu'on le pense. Votre message vient le rappeler joliment. Merci.

    RépondreSupprimer