mercredi 28 août 2013

Le champ des hirondelles...

Ce matin là, un dimanche il me semble, avant 8h00, le champ des hirondelles n'était pas le même que d'habitude. Je ne le savais pas encore.
Ce matin là, un dimanche il me semble avant 8h00 comme presque tous les dimanches, comme presque tous les matins, même ceux qui sont sans la contrainte du réveil, du travail, des obligations, un "Maaaaaaaamaaaaaan" me tire brutalement de mon sommeil (profond, la fatigue aide à ce qu'il le soit, en ce moment). Puis un autre, et un autre encore précédé d'un "mais" d'impatience. 
"Maaaaaamaaaaaaan, mais maaaaaamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan...". 
Ce matin là, un dimanche, c'est sûr et certain, j'ai regardé le radio-réveil et je me suis souvenue qu'on était bien dimanche. Ce matin là, je me suis dit qu'il était encore bien trop tôt pour se lever. Pour me lever. Je me suis dit aussi que je ne pouvais pas passer mon tour. Que je ne pouvais pas dire au père de cet enfant, "elle appelle, lève toi, c'est ton tour cette fois". Il n'est plus là.
Ce matin là, j'ai fait comme les autres, la sourde oreille, un petit instant, le temps d'ouvrir un œil  le temps que ma langue endormie se détache de mon palais, le temps que mon deuxième œil s'ouvre, le temps que mes lèvres asséchées par la nuit se décollent pour libérer ma voix, encore endormie elle aussi. 
" - Chuuuuuut. Il n'est pas 8h00, tu te recouches, tu fermes ta bouche, tu te rendors, Grenouille

" - Mais Maaaaaaamannnnnnn y a des oiseaux dans la saaaaaaaaaaaaaaaaaalle.

" - Chuuuut. Tu vas réveiller ton frère. Chut tout le monde dort. Chut chut chut ! " et rechute sur l'oreiller.

" - Mais Maaaaaaaaaaaaaaaamannnnnnnn y a plein d'oiseaux dans la salle, j'ai peuuuuuuuuuuuur !
" - Arrête de dire n'importe quoi, ils sont dans tes rêves...
" - Mais Maaaaaaamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan....

"- Chuuuuuuuuuuuuut tu vas réveiller ton frère. J'arriiiiive ! ". Et je me suis lèvée du pied gauche, bien sûr, excédée par ces scènes répétées qui m'empêchent de dormir... torture. "Oh... ! ...Ah !". J'avais les yeux écarquillés grands ouverts, cette fois, quand je suis entrée dans la salle car je n'ai pu que constater qu'elle disait vrai : c'était bien le bal des hirondelles dans la chambre de la Grenouille. 

"- Alors, tu vois ?!", a-t'elle coassé du fin fond de son lit, ce matin là.

J'ai acquiessé. Je vois... Le bal des débutantes. Celles qui se sont trompées de sortie, qui ont pris bas plutôt que haut dans le conduit de la cheminée. J'ai fermé les portes pour ne pas qu'elles filent plus loin dans la maison. J'ai ouvert les volets et les fenêtres en grand, ce matin là. "Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas ! Allons, que l'on détale de chez moi". Ce matin là, j'ai cité Molière pour couvrir le chant des hirondelles, je les ai fait sortir de chez moi sur le champ, et j'ai pris ma plus belle plume pour écrire cette lettre. Non je leur ai arraché les plumes pour écrire cette lettre. Oui arraché, comme on m'a arrachée de mon lit, un petit côté talion et vengeance démasquée en nuisette d'été, parce que le sommeil, franchement, c'est une nécessité absolue. Enfin quelques heures au moins et je vous assure qu'il ne m'en faut pas tant pour avoir mon compte. Et le compte ce jour là n'était pas bon... Dors le matin, Grenouille, s'il te plaît. Et reste hors champ, au moins jusqu'à 8h00.

" Chers parents Hirondelles qui avez fait votre nid dans la cheminée de la Maison Rouge. J'ai une bonne nouvelle, vos petits savent voler. Reste plus qu'à leur apprendre à voler DEHORS. Certes, c'est parfois un peu le bazar, mais le salon n'est pas un champ. Aussi, j'apprécierai que vos petits ne réveillent pas les miens à une heure indue le dimanche matin. Bien cordialement. La mère amère du dimanche matin. "

Mais ceci dit, aujourd'hui, quand je les vois voler, tournoyer, au-dessus de la maison, ces petites hirondelles moitié plumage moitié duvet, je souris. Pour l'anecdote mais parce qu'elles sont jolies aussi. Et que je suis allée les regarder de plus près tournoyer au-dessus de la cheminée pour illustrer ce petit texte. Vue sur la cheminée. Vue dans mes pensées, plus loin, peut-être bien plus loin que le bec des hirondelles. Rassurez-vous, ce texte que je publie aujourd'hui, je l'ai écrit il y a des semaines maintenant. Aujourd'hui, je suis bien moins fatiguée. Normal, je viens de rentrer de vacances. Normal... Je suis bien moins fatiguée.

Cette anecdote là me fait penser à ce tendre album ci...


Plus loin que le bec des hirondelles d'Annie Agopian, illustré par Magali Bardos. "Dans le quartier tout le monde le sait, madame D'laba aime le seul touriste de la rue. Il s'appelle monsieur d'Issy". Monsieur d'Issy ne la voit pas. Et elle, n 'a d'yeux que pour lui. Il rêve d'exotisme, de pays lointains, loin là-bas. Elle le sait, elle est là, elle, il ne la voit pas. Elle en vient, elle, de là-bas. Il part tout le temps, fait le tour du monde, envoie des cartes postales, ne voit plus les gens, la misère, seuls les monuments l'intéressent. Un cœur de pierre ? Il vit dans un monde de papiers glacés, "un monde où personne ne voit plus loin que le bec des hirondelles". Remettra-t-il un jour les pieds sur terre ? Elle le pense, elle attend le moment venu, car elle le sait, elle, ce que c'est que de se projeter sur un pays que l'on ne voit que sur papier glacé. Une tendre histoire aux illustrations expressives, presque naïves, pour illustrer un propos qui l'est bien moins.

Plus loin que le bec des hirondelles d'Annie Agopian, illustré par Magali Bardos, 
éditions du Rouergue, 2011 - 13,50 € - à partir de 4 ans.

5 commentaires:

  1. Pffff... Moi je le sais que tu es encore bien fatiguée, avec ou sans hirondelles, et surtout APRÈS les vacances !

    Bises bizzzz

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  2. Ahahahaha! J'adore!!! Merci

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  3. ben NON mais ! quelle idée ... en même je comprend Grenouille !! ....cigognes qui nichent dans l'arbre au dessus de ma chambre terrasse à ciel ouvert qui se saluent à grands coups de becs !! GRRRR ... chapelet de gros mots en Bambara (dialecte malien) ... rien à faire elles parlent que Cigognes !!
    au printemps prochain ... Eskimo

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  4. quelle histoire :) mais belle histoire! Tu m'étonnes que Grenouille t'ai sorti du lit :-)

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