Je pourrais vous dire que je vole. Mais les poules ne savent pas voler.

C'est aujourd'hui que nous aurions dû prendre l'avion. Un peu le hasard. A quelques jours près. L'année dernière c'était exactement à cette date. Je l'aurais gardée, si j'avais eu le choix, cette date là. Ne me demandez pas pourquoi, l'idée que cela lui aurait plu de nous voir partir en vacances le jour de son anniversaire ? Peut-être. Je sais, c'est débile. L'idée de penser à lui et que les enfants vivent en même temps un moment exceptionnel (prendre l'avion!). Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi. De toute façon, la compagnie nous a fait décoller plus tôt, finalement. Alors ça y est, nous avons les pieds dans l'eau. Je pourrais vous dire que je suis en plein vol. Mais ce n'est pas vrai. J'ai les pieds dans l'eau, vraiment. Elle est bonne, elle est bleue. On est le 22 juillet, c'est son anniversaire. Il aurait dû avoir 35 ans. Il est mort. Il y a 2 ans, maintenant. Un peu plus en fait. J'ai l'impression que cela fait une éternité et même un peu plus parfois. Il s'est passé tellement de choses depuis. Tellement de choses. Tellement... Je garde le cap. Putain, je garde le cap. A peu près. C'est loin d'être facile. Nos enfants sont encore très jeunes et ces derniers mois ont été particulièrement éprouvants. Je trouve. Mes enfants sont encore très jeunes et oui, c'est compliqué. Malgré toute l'aide que je peux avoir, c'est compliqué d'élever seul(e), de s'occuper seul(e) de ses enfants. Je ne sais pas si c'est le fait d'être aujourd'hui en vacances et d'appuyer sur la touche pause qui me le fait réaliser mais il était temps qu'elles arrivent, ces vacances. Pause. On coupe tout (non, j'avoue, j'ai un ordi, dans quelques jours, quand mon petit frère et sa famille seront repartis chez eux, je serai de nouveau seule avec mes deux marmots, l'ordi fait tiers et comble le vide. Arriverai-je à écrire comme je l'ai projeté ?). Entre les petites maladies à répétition et les problèmes de santé en béton armé, ce premier semestre 2013 a été un record de rendez-vous médicaux, d'arrêts enfant malade, de congés posés pour assurer les suivis, les rendez-vous, les températures hostiles, les boutonites et autres cures d'antibios, de promenades à l'hosto...

 L'année dernière, je me souviens m'être dit que je revenais à la surface. La première année de son décès avait pris des airs de course de vitesse pour moi, et j'imaginais en refaisant le chemin mois après mois, comme des haies que j'avais franchies, une à une. Cette année est celle qui fait entrer dans l'endurance. J'ai beau, je crois, avoir de l'énergie, parfois je manque de souffle. Je ne devrais pas m'en plaindre. J'en ai. Lui plus. Il aurait dû souffler ses 35 bougies, il s'est arrêtée à 33, à peine. Il n'est plus là. Mes enfants, nos enfants, n'ont plus leur papa et quand ils le réclament, comme hier ou avant-hier, je ne peux que leur pleurer mon impuissance. Dans une semaine, Grenouille aura 4 ans. 4 ans, le temps passe tellement. Elle voudra manger de la glace au chocolat ou à la vanille peut-être mais avec de la chantilly. La chantilly. C'est aussi ça, la vie...